Il fallait s’y attendre, les attaques contre les repas tout-en-un commencent à s’organiser. Principalement contre Feed, puisque c’est le fabricant à la plus forte visibilité, et à la plus forte réactivité (jusqu’à la polémique…) sur les réseaux sociaux.
Certaines critiques sont fondées, d’autres sont plus idéologiques, limite anti-science, genre « j’aime pas, ça peut pas être bon, ça sort d’une machine ».
Un billet qui me fait réagir ces temps-ci est celui de Hugo, posté sur Medium, la « Smart food », entre poudre alimentaire et poudre aux yeux. Lequel reprend en partie un autre billet, écrit par Bruno Chabanas, un peu plus solide sur ses critiques : Feed : le réductionnisme en nutrition mis en poudre. Je n’ai bien sûr pas le temps de toujours commenter toutes les critiques qui seront émises, mais celles-ci sont assez représentatives, et m’ont donné envie de coucher par écrit quelques commentaires.
L’article d’Hugo, pourtant fort bien écrit, part un peu dans tous les sens. Ça aurait mérité de trouver un angle et de s’y tenir. Il critique quoi, au juste ? Feed uniquement ? Le fait qu’on n’aime plus perdre son temps en cuisine ? Qu’il trouve que la société aille trop vite ? Le capitalisme ? Peu importe, l’essentiel est d’être contre. Faire feu de tout bois, comme dit le cliché. Il reprend les chemins, assez idéologiques, communs à ces critiques.
Déjà, il confond attaque contre Feed avec attaque contre tout le secteur des repas tout-en-un, et c’est bien dommage, tant ce secteur est maintenant varié, en produits comme en marques.
Mais il y a quand même du bon à en tirer ; certains arguments font mouche, notamment ceux de Bruno Chabanas dans son billet, et devraient inviter à une réflexion pour améliorer les produits. Sachant que de toute façon, c’est l’essence même du produit, contraire à leur idéologie et vision de la société, que ces critiques n’aiment pas. Ils trouveront TOUJOURS un élément qui ne va pas, pour disqualifier tout le reste. Le bébé, l’eau du bain, le chien, la rage et la noyade, tout ça…
Bon, pour le coup du storytelling de Feed, il a complètement raison. C’était bien rigolo dès le tout début, ça.
Sinon, pour le reste, c’est le blabla habituel : essentialisation de la nature, impossible de faire aussi bien que la nature, grands méchants de l’industrie apatride, la transformation pas beau, retour aux valeurs traditionnelles et au travail de la cuisine, la terre qui ne ment pas… Sur-représentation de quelques cas d’indigestion, sans d’ailleurs qu’aucune preuve n’ait jamais été rapportée que c’était à cause des barres Soylent. Découverte que l’alimentation serait à deux vitesses (houlala, les riches mangent mieux que les pauvres ! Comme si c’était pas le cas depuis avant la préhistoire, bien avant l’arrivée de Feed, je pense). Mise en avant de quelques idiots au langage start-uper…
Pour le marketing mensonger ou trop enjolificateur, et les super aliments à moins de 1% qui sont mis en avant, il a malheureusement raison, et les entreprises qui jouent avec ça prennent toujours le risque que ça se retourne contre elles.
Pour la mastication et les ravages de la nourriture liquide, c’est le pipeau habituel, mais en mieux – il évoque quand même, sans rire, l’atrophie de la mâchoire, hein…
Argument de l’ignorance, aussi, tiens, « On ne sait pas tout… rien ne peut remplacer la nature » (il écrit « l’emballage naturel », mais on sent bien que ça le titille de ne pas pouvoir mettre « Dame Nature », hein…).
Tout n’est pas complètement à jeter quand même, dans son texte.
Certains choix de Feed pour certains de ses produits sont hasardeux. L’isomaltulose reste un vrai problème, avec son fructose et glucose libres (qu’ils mettent longtemps à être digérés n’y change rien, ou n’y change que très peu). Et oui, mon avis personnel a évolué sur cette question. Plus ça va, et plus je pense que la maltodextrine est un meilleur choix que l’isomaltulose, quitte à proposer de la calorie vide. Pour le calcium et le potassium rajoutés sous forme de phosphate tricalcique ou phosphate de potassium et qui génèrent trop de phosphore, OK aussi.
OK aussi pour les dégâts environnementaux de nos choix alimentaires, même bio, et du voyage des ingrédients, selon leurs sources. Précisons quand même que même si des ingrédients viennent de loin, le fait même que les repas tout-en-un soient végans ou végétariens, est un gigantesque pas en avant par rapport à une alimentation carnée.
Mais lui qui parle d’effet de halo, on pourra lui répondre qu’il génère lui aussi un halo inversé. Feed n’est pas l’ensemble du secteur, et les défauts de Feed ne sont pas ceux de l’ensemble du secteur (not-all-powders, un peu…). Il ne faut pas perdre de vue que la gamme classique de Feed est une poudre d’entrée de gamme, comme les Queal, Smeal ou Jimmy Joy. On aimerait bien que ces critiques considèrent des poudres comme Bertrand, Huel, Vitaline ou Trinkkost, qui font l’effort de proposer des repas complets sans calories vides et choisissent chaque ingrédient avec plus de technicité et de précision, au détriment du prix.
Sans oublier bien entendu les stars des éditions de Thierry Souccar, au catalogue fourre-tout et idéologique, en dehors de toute rationalité, et des chercheurs en alimentation « holistique », hahaha ! « On devine… les effets matrices… pas d’épaississants dans la cuisine domestique ni même [achetable] dans un supermarché… matrices visqueuses moins rassasiantes que les matrices solides… une des causes principale de mortalité (mais oui, avec la pollution, le tabac, l’alcool, la voiture, la drogue, et la vieillesse ; et le wifi, aussi) ». C’est marrant, ils ne disent pas ça pour les soupes, purées, consommés, et autres potages, qui sont pour certaines populations l’alimentation principale et quotidienne. C’est vrai qu’on passe longtemps à éplucher les légumes, ça doit donc être plus nourrissant.
Sans compter une incompréhension partielle de la démarche. « Feed est contraint d’ajouter des vitamines et des minéraux. » Mais c’est justement parce que même des farines entières n’auraient pas tout ce qu’il faut pour faire un repas complet. On ajoute pour compléter, pas pour le plaisir. Pour exemple, dans Huel, 46 % des vitamines et minéraux proviennent naturellement des ingrédients ; le mix « rajouté » est là pour compléter et arriver à 100 % de ce qui est nécessaire pour un repas, et au total, 74 % des vitamines et minéraux de Huel viennent de sources naturelles.
Accuser Feed de ne pas inviter à la modération est plutôt de mauvaise foi, ça n’est pas un poison, on ne voit pas pourquoi il devrait y avoir des mises en garde particulières.
L’article part ensuite complètement en vrille et se lance dans tous les angles possibles, du moment que c’est pour dire du mal. Toutes proportions gardées, ça me rappelle quand je lisais Le Monde Diplo. Passons donc sur l’épisode gnan-gnan des start-upers qui se font à manger dans le partage. J’espère pour eux qu’ils instagrammisent leurs créations, et qu’iels rient en mangeant leur salade de jeunes pousses / avocat. À catéchisme, catéchisme et demi, dirait-on. Et puis on prend plus le temps de rien ma bonne dame. Et puis les Français dépensent moins. Et puis les entreprises sont déshumanisantes. Et puis l’égoïsme, le productivisme, les anglicismes, la technologie aliénante, le temps libre, la ville, le langage, l’utilitarisme, le sexe. Et vas-y, après l’équipe Souccar, rajoute Barthes, Marx et Virilio, ça fait toujours classe.
Bref. Je sais pas moi. Jamais ça ne leur vient à l’idée qu’on puisse aimer les repas tout-en-un pour se promener plus longtemps, ou lire plus tranquillement ? Ou écrire sans être dérangé ?
8 Nov. 2018 at 01:54
Faudrait quand même pas que tu vexes les entreprises dont tu espères un jour toucher du pognon mon pauvre Nicolas. Ca décrédibilise carrément tout le reste du blog de voir que tu n’es même pas capable de retenir une seule critique légitime.
13 Nov. 2018 at 17:50
Je suis ravi que tu apprécies tout ça à sa juste valeur.
Et encore, j’aurai aussi pu relever, au milieu de ce mélange science et galimatias, les délires sur l’indice PRAL, mais j’ai préféré m’arrêter là.
22 Jan. 2019 at 10:08
Pas d’accord avec toi. Scientifiquement le sujet est bien traité. Et l’indice PRAL n’est pour une fois pas maltraité ou pris pour ce qu’il n’est pas (ce qui est exceptionnel, je le reconnais) !
On attend ton raisonnement fondé sur les preuves pour en discuter.
23 Jan. 2019 at 14:58
Remarque bien que j’ai écrit que certains aspects relevés méritaient de l’être.
Quant à l’indice PRAL, c’est de la pseudo-science. Ce qui, justement, pose question sur le traitement scientifique.
18 Fév. 2019 at 00:56
Le PRAL de la pseudo-science ?
Il faudra dire ça à tous les médecins qui peuvent traiter et/ou prévenir les lithiases rénales d’acide urique en alcalinisant les urines, ou en les acidifiant pour ceux à base oxalate de calcium…cela fonctionne. La pseudo-science, c’est ceux qui en font dire n’importe quoi. Cause de cancer, d’ostéoporose et cie. Et pour ça on est d’accord : c’est légion. Mais pas sur l’article que tu cites justement. J’ai vérifié les sources : elles existent. C’est déjà ça.
14 Déc. 2018 at 16:01
Haha ,
oups je crois que tu as vexé quelqu’un …
Je finirais ce mot par une jolie citation ! Quoi qu’on en pense…
On a le choix dans notre vie entre être heureux et avoir raison. A méditer ❤️
2 Jan. 2019 at 16:24
Plutôt en accord avec l’article, même si je n’irais pas jusqu’à dire que ces articles sont représentatifs des articles contre les repas en poudre 🙂
D’ailleurs avez-vous une page pour indiquer comment vous combattez le conflits d’intérêts (par les dons de produits que vous devez recevoir par exemple, ou justement leur absence). Cela fait toujours plaisir un peu de transparence !
Par contre pourquoi plutôt la maltodextrine que l’isomaltulose ? L’IG du premier est un vrai problème quand ingéré rapidement car un pic de glycémie provoque un pic d’insuline et donc une envie plus rapide de sucre (je crois).
8 Jan. 2019 at 15:59
Bonjour et bienvenue dans les commentaires.
Il n’y a pas de conflit d’intérêt, puisque je ne travaille pour aucune entreprise du secteur. Je n’ai pas de cookie partagé retargeting avec les fabricants, même s’ils me l’ont parfois demandé. Les liens en bas de la page sont des simples liens de parrainage, dont je n’arrive d’ailleurs presque jamais à utiliser les coupons générés… Je n’ai pas non plus encore de liens d’affiliation (avec une commission sur chaque vente) ; pour ces derniers, il n’est pas exclu que j’en mette un jour, mais alors ils seront clairement indiqués comme tels.
J’achète quasiment tout ce que je consomme (et c’est beaucoup, entre 7 et 15 repas par semaine). Je mets « quasiment », car je reçois, de temps à autre, des échantillons de nouveautés ; par rapport à ma consommation, c’est très peu, certainement moins de 5 doses par mois. Et c’est très loin d’être systématique, ça dépend des fabricants et des degrés de nouveauté du produit. Et ça n’est pas non plus systématique que j’en parle ensuite – par exemple, je n’ai pas fait de billet sur Vitaline Ignite ou Feed Sport, vu que je ne suis pas du tout le bon profil pour en parler.
Sinon, pour la maltodextrine, elle a certes un IG élevé (et encore, pas toujours, ça dépend vraiment de son dextrose équivalent, valeur qu’on ne connaît presque jamais), mais elle n’est jamais prise pure. Les matières grasses notamment font baisser l’IG de l’ensemble, et donc l’IG total du produit est moindre. L’IG total d’un tout-en-un à base de maltodextrine est plus élevé que sans, mais n’est pas non plus stratosphérique, et sans effet négatif pour quelqu’un en bonne santé. L’isolmaltulose est du sucre qui se digère lentement, mais ça reste du sucre. C’est une question de choix, de compromis. À cet égard, je pense que c’est la recette de Huel (poudre) qui est la plus performante.